Inspirations
J'ai beaucoup évolué dans ma conception du jardin quand j'ai fait la connaissance d'Erwan Tymen. En vérité je ne l'ai jamais rencontré, je n'ai même jamais visité un de ses jardins, mais j'ai lu le livre (dix-neuf jardins, éditions Coop Breizh)
Jusque là je n'avais pas été spécialement attiré par ses jardins entrevus sur les pages des revues spécialisées. Je les trouvais un peu froids, rigides,sans fantaisie. J'ai découvert qu'il savait aussi créer des ambiances plus intimistes quand il rencontrait une maison chargée d'histoire, qu'il pouvait accompagner l'esprit du lieu sans imposer une recette.
J'ai surtout compris une des clefs de sa pensée: s'inspirer de l'émotion ressentie à la vue de paysages naturels, en l'occurence ceux, battus par le vent de Bretagne, d'Irlande ou de Nouvelle Zélande.
D'où sa fascination pour des végétaux soumis à des conditions extrêmes, qui se tordent, se nanifient, se rabougrissent... Le choix délibéré dans ses jardins de graminées, de teintes fanées, de minéralité...
Bref, tout ce que je déteste.
Il faut comprendre que quand on habite au royaume du vent, on déteste la tempête. La première, si on la voit au sec et en sécurité, on la trouve extraordinaire. Le spectacle de la nature déchaînée a quelque chose de fascinant. Mais après des jours passés à consolider sa toiture et des nuits sans sommeil, sans cesse réveillé par les hurlements du vent, on finit par se lasser. On ressent un immense soulagement quand tout s'arrête, quand le silence se fait soudain.
Il me restait donc à trouver un autre paysage, plus adapté à mon moi profond, qui évoque en mon coeur des émotions positives.
Il m'est revenu le souvenir de cette petite prairie un jour de début de printemps. Le fracas de la tempête s'est apaisé. On entend clairement le chant des oiseaux, le murmure du ruisseau, sans être gêné par le sifflement du vent. L'air est doux.
L'herbe, tondue rase par la dent de quelques chevaux, est piquetée de fleurettes, de pâquerettes et de trèfle vagabond. La croupe moussue de gros rocher de granite, polis par les ans, émerge ça et là de cette pelouse vert tendre. Les contours incertains de la prairie sont dessinés par des talus de pierres tachetées de lichens gris ou orange et s'estompent sous la poussée des ajoncs fleuris d'or et de l'aubépine constellée d'étoiles immaculées. Une auge de pierre recueille un filet d'eau, jaillit d'on ne sait où. Le trop-plein s'écoule en gazouillant,faisant naître sur son passage mousses et fougères, et de flaque en flaque rejoint le ruisseau. Quelques pierres plates jetées de guingois forment un gué improvisé. Du côté de la mer quelques arbres tordus, vieux guerriers protecteurs, font rempart de leurs branches contre le vent noir de l'hiver.
L'émotion retrouvée, il reste à la matérialiser, dans un jardin bien réel ! C'est sans doute le plus difficile.