Gomera, la germanique
Après une semaine passée dans les solitudes de Hierro, le réveil est rude en arrivant à La Gomera. A seulement une heure de Ferry de Tenerife et des étendoirs à touristes de Los Christianos, le port de San Sebastian, capitale de l'île reçoit tous les matins une floppée de cars climatisés et sonorisés munis de leur horde de mal bronzés, venus découvrir en une journée "l'île nature". De la nature, bien entendu, ils ne verront rien, mais on leur fera visiter la maison où Christophe Colomb aurait pu loger avant de leur faire traverser dans la brume les forêts primaires éventrées par la route toute neuve qui traverse l'île.
L'Homo Turisticus est une espèce invasive, mais fort heureusement elle ne s'adapte qu'à certains biotopes bien déterminés et nécessite pour se répandre un réseau de routes bien goudronnées. L'évolution a cependant créé une sous-espèce assez rare endémique à la Gomera : le baba cool allemand, croisement entre le hippie soixantuitard et l'écolo-pacifiste. Au marché de Valle Gran Rey on s'attendrait à trouver des fruits et des légumes, mais pas du tout... On n'y vit que de colifichets dignes d'un Katmandou des années 70 et la langue de Goethe y remplace celle de Cervantes. Les enseignes des commerces évoquent plus Berlin que Madrid et jusque dans les jardinets de la vallée on parle un allemand très pur. Bref, nous sommes revenus en Europe.
Mais cessons de répandre notre fiel et enfilons nos chaussures de marche. La Gomera, la vraie, mérite bien son titre d'île nature. Encore faut-il se donner la peine d'aller à sa rencontre.